Fermeture du sommet de Cancun aujourd’hui : fébriles espoirs :
Onze jours de réunions et de négociations fébriles risquent fort de se conclure, pour les représentants des 200 Etats réunis à Cancun, par un long marathon nocturne de discussions. Chacun compte bien défendre sa position jusqu'au dernier moment. Quitte à lâcher du lest avant de risquer une réelle paralysie des négociations. L'enjeu de cette vaste partie de poker-menteur nous concerne tous : il s'agit tout simplement de savoir si les Etats du monde sauront ou non, sous l'égide de l'ONU, s'accorder sur des mesures a minima pour contrer le réchauffement climatique. Enjeu crucial, dans la mesure où l'échec cuisant du sommet de Copenhague a déjà eu un lourd retentissement sur les efforts de l'ONU pour trouver une parade internationale aux menaces qui pèsent sur le climat.
"Cancun peut encore marquer le moment où on tournera le dos à la déception dusommet de Copenhague", estime Jeremy Hobbs, directeur exécutif d'Oxfam International. "Mais la stratégie de la corde raide, les retards et les rumeurs transforment les négociations en un jeu de roulette russe, qui risque de faire que des millions de pauvres déjà touchés par le changement climatique seront les grands perdants". De nombreux points qui semblaient assez mûrs il y a quelques jours, tels le transfert de technologies propres vers le Sud, le mécanisme de lutte contre la déforestation (REDD+) ou l'aide financière, font encore l'objet de difficiles tractations. Et la question de l'avenir du protocole de Kyoto, seul traité juridiquement contraignant sur les réductions d'émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés - sauf les Etats-Unis - empoisonne toujours les discussions.
La menace d'un "écocide"
"Nous sommes sur le fil du rasoir, nous pourrions aussi bien déboucher sur un bon résultat que finir par une sortie de route", estime Chris Huhne, ministre britannique à l'Energie et au Changement climatique, chargé avec le Brésil d'une mission de médiation sur Kyoto par la présidence mexicaine de la conférence. A Cancun, le Japon, le Canada et la Russie ont annoncé qu'ils ne signeraient pas de prolongation de Kyoto si les pays en développement comme la Chine et l'Inde ne sont pas à leur tour concernés par des engagements chiffrés. Un projet de déclaration propose tout simplement de laisser la question en suspens et invite les ministres de l'environnement "à conclure aussi vite que possible les négociations sur une deuxième phase d'engagements du protocole de Kyoto".
"Si, ici à Cancun, nous abandonnons le Protocole de Kyoto, nous serons alors responsables d'un 'écocide', qui est l'équivalent d'un génocide", a dénoncé le président bolivien Evo Morales, selon lequel 300.000 personnes meurent chaque année, victimes de la désertification mais aussi d'inondations, de sécheresse ou d'autres épisodes météorologiques extrêmes, conséquences de l'accumulation dans l'atmosphère de gaz à effet de serre depuis la Révolution industrielle.
L'Inde fait un pas : que fera la Chine ?
La Bolivie exige que les émissions de gaz des pays riches, historiquement responsables de cette accumulation, soient réduites de moitié d'ici 2017 par rapport aux niveaux de 1990. Il s'agit d'une position maximaliste qui excède les demandes des pays africains les plus pauvres et des Etats insulaires les plus exposés à la montée du niveau des océans. Certains diplomates redoutent que le pays andin ne fasse dérailler toute la conférence, où l'unanimité est la règle. "D'intenses consultations sont en cours. Nous négocions d'arrache pied avec d'autres parties et c'est bon signe. Je suis convaincu que nous aurons une issue positive demain", a déclaré le délégué brésilien Luiz Figueiredo.
Signe encourageant pour l'avenir des discussions à moyen terme, l'Inde a, pour la première fois, évoqué la possibilité que son pays signe, un jour, un traité juridiquement contraignant sur ses émissions de gaz à effet de serre. Elle avait jusque-là, comme la Chine, toujours rejeté cette idée, mettant en avant la responsabilité historique des pays développés dans l'accumulation dans l'atmosphère de ces gaz qui contribuent au réchauffement de la planète. L'Inde vise une réduction de sa quantité de gaz à effet de serre par point de Produit intérieur brut - l'intensité carbonique - de 20 à 25% d'ici 2020 par rapport à 2005. Pékin s'est fixé de son côté un objectif de réduction des émissions de carbone par unité de PIB de 40% à 45% entre 2005 et 2020. Mais les deux géants asiatiques avaient toujours, jusqu'à présent, insisté sur la caractère volontaire de ces engagements. Toute la question, désormais, est de savoir si l'exemple indien aura un effet d'entraînement sur la Chine. La réussite du sommet de Cancun en dépend largement.