Retraçant la lente évolution du mouvement écologique en France depuis l’époque moderne où romantique et intellectuels se questionnaient sur les relations hommes/nature, Roger Cans représente une des figures de proue de l’étude de l’écologie politique à travers ses différentes transformations. Partant des pionniers et passant par les personnalités qui ont jalonné l’épopée des Verts comme René Dumont, Antoine Waechter et Brice Lalonde, l’auteur met en évidence la timide progression d’un mouvement qui, aujourd’hui, fait parti intégrante du paysage politique en France, permettant l’enracinement d’une conscience écologique dans nos sociétés. Née de mai 1968, il analyse la genèse des écologistes, mettant en avant les grandes phases d’évolution du mouvement, comme l’affaire du Rainbow Warrior, les actions du commandant Cousteau, les guérillas internes à la mouvance verte, les différents programmes et élections qui ont marqué l’écologie politique. La pensée écologique a alors d’après lui été timide, où certains soutiens de ce mouvement ont refusé pendant longtemps de « participer au combat électoral ».
Marc Abelès, quant à lui, dirige un ouvrage compilant les pensées de divers auteurs. Daniel Boy met en évidence les profils sociologiques des électeurs écologiques, et ainsi analyse les attitudes électorales de 1974 à 1992. Partant de l’élection présidentielle de 1974, lors de laquelle les environnementalistes étaient représentés par René Dumont, il constate que durant cette période de 18 ans, il y a au total pas « moins de 20 élections comportant pour la plupart deux tours de scrutins et se situant à des niveaux géographiques très variés : commune, canton, circonscription, département, région, nation ». Ainsi à travers ces différents échelons d’élection, les choix pour les électeurs sont très différents eux aussi, favorisant plus ou moins l’expression d’une conscience et d’une sensibilité écologiques. Ainsi, Daniel Boy met en évidence les foyers concentrationnaires d’écologiques, où la maison-mère reste l’Alsace-Lorraine, et les grands centres de rassemblement sont bel et bien la région parisienne, la région Rhône-Alpes et la Bretagne un peu plus tard. D’autres auteurs présents pour cet ouvrage présentent un état du monde selon leur point de vue vert. Ainsi Yves Cochet retrace les aventures des écologistes à l’échelle européenne, où la course pour le Parlement européen devient au fur et à mesure du temps, à travers les élection européennes de 1979 et 1989 surtout, sinon une priorité, tout du moins quelque chose d’indispensable pour asseoir leur mouvement. Concernant Guillaume Sainteny, il préfère met en lumière la question du pouvoir d’Etat chez les écologistes, où disputes, heurts et réconciliation caractérisent un mouvement qui peine à s’ancrer de manière durable dans le paysage politique français. Marc Abelès, quant à lui, explique l’avancée de la mouvance verte à travers leurs discours et leurs idées. Partant du constat que « le vrai problème pour les écologistes, c’est que l’on produit trop », il met en évidence différents argumentaires des personnalités du mouvement. Ainsi discours alarmistes, discours totalisant axé sur la recherche d’un équilibre général, discours volontariste avec comme maître mot la révolution culturelle, discours moralisateur, discours antimoderniste, … permettent de comprendre les Verts à travers les mots et les différents thèmes de campagne pouvant être développés. Un choix hétéroclite autour de problématiques spectaculaires, médiatiques, consensuelles, environnementales, anti-productivistes et catastrophistes.
Brendan Prendiville propose une étude de l’écologie politique en se basant sur un travail de recherche et d’analyse. Cette étude couvre la période 1960-1990, correspondant à peu de choses près à notre propre période de réflexion sur ce nouveau venu en politique dans les années 1970. Extrait d’une thèse britannique s’inscrivant directement dans une perspective de sociologie politique, son analyse mêle alors différents domaines d’observation. Se réclamant de la droite lignée de Roger Cans, qui s’exclamait en 1992 que nous étions « tous Verts », Brendan Prendiville met en relief qu’il existe divers environnements où celui naturel, social, économique et politique ne sont que quelques exemples les plus courants.
Docteur en science politique, Jean Jacob nous offre son analyse depuis les premiers intellectuels du courant jusqu’à l’enracinement de la mouvance dans le paysage politique français. Il montre comment les idées du Club de Rome autour de leur slogan « croissance zéro » ont pu servir de base de réflexion pour les écologistes avant la grande fédération des Verts en un mouvement politique. L’histoire des écologistes est jonchée d’obstacles à commencer par un tiraillement interne où idéalistes et naturalistes luttent pour une logique sociale et prônent la défense des libertés individuelles.
Yves Frémion, quant à lui, essai d’expliquer l’indécision et la perplexité, tout du moins au début de leur naissance, à s’ancrer sur le segment droite/gauche de la politique, refusant de se confondre à l’une ou l’autre des deux grandes classes politiques en France. A travers leur impact sur l’échiquier électoral français, l’histoire des écologistes permet de comprendre à travers leurs débats et leurs pratiques, la genèse des Verts dès 1984 et le socle sur lequel dorénavant le mouvement s’appui.
Plus récemment, Alain Lipietz traduit la nouvelle donne d’une écologie politique du XXIe siècle, mettant en relation l’idéologie des Verts avec la crise mondiale qui touche d’ores et déjà toutes les sociétés et toutes les politiques.
D’autres chercheurs ont influencé nos axes de recherches et ont fait de ce mouvement Vert ce qui est actuellement. Ainsi l’infatigable René Dumont, qui par vent et marée, traverse le globe pour écrire ses nombreux ouvrages sur l’agronomie, les inégalités et la paupérisation de la planète. D’autres scientifiques s’intéressent de près à l’étude de l’environnement. Depuis le macrocosme de Joël Rosnay, devenu une grande référence dans la pensée systémique, jusqu’à l’étude sociologique des luttes anti-nucléaires d’Alain Touraine ; d’Edgar Morin parlant d’un paradigme écologique en 1990, au philosophe Cornelius Castoriadis mettant en avant l’autonomie certaine de l’écologie dès 1981 ; de Michel Serres à Luc Ferry qui ont, dans les années 1990, constaté l’expansion des Verts sur le terrain politique ; l’enthousiasme et l’emballement pour l’écologie deviennent les nouvelles pierres à l’édifice du mouvement, permettant de percevoir l’importance d’une prise de conscience globale concernant l’interdépendance des problèmes environnementaux et sociaux. Ainsi à travers ces différentes pensées, nous pouvons analyser l’émergence des écologistes en France et surtout nous pouvons expliquer la transformation d’un mouvement à la base social en un mouvement politique.
Analyser l’émergence des Verts depuis les années 1970 jusqu’à leur enracinement dans le paysage politique français au milieu des années 1990, permet d’entrevoir l’assise sur laquelle le mouvement actuelle s’appuie pour légitimer un parti qui a véritablement sa place parmi les grandes forces politiques françaises. Europe Ecologie Les Verts, héritier directe des pensées environnementalistes et naturalistes d’autant, digne petit-fils d’un grand-père pionnier dans la politique, d’un René Dumont, personnalité haute en couleur, l’écologie politique aujourd’hui bien représentée par des entités telles que Nicolas Hulot, Eva Joly, Daniel Cohn-Bendit, a connu ses périodes de succès et ses périodes de décadence. Au travers d’une histoire tumultueuse, c’est réellement l’engrenage d’une remise en cause profonde du système politique en France, un bouleversement vis-à-vis de la bipolarisation gauche/droite qui n’existe désormais plus. L’environnement s’ancre alors profondément sur un terrain qui n’était jusque là pas le sien, s’offrant une nouvelle aire de jeu. Se basant une étude bibliographique, et à travers un travail sur des sources imprimées, orales et iconographiques, nous constatons que programmes, élections et discours sont d’ores et déjà dans les années 1970 le lot quotidien des écologistes. L’écologie politique est-elle née seulement de l’émoi environnemental suscité par les naturalistes, les écologistes et l’opinion publique de l’époque, ou doit-elle son émergence à une organisation certaine, un enracinement dans le paysage politique français à travers les enjeux nationaux, européens et locaux ?
Au premier abord, nous allons revenir sur l’émergence de l’écologie politique en dressant un portrait du célèbre agronome René Dumont, qui marque de son empreinte le début de l’épopée des écologistes en politique. Nous étudierons ensuite l’enracinement du mouvement à l’échelon national et européen, à travers les différentes branches, les disputes et les tiraillements internes qui ont fait vaciller l’écologie politique dans les années 1980. C’est alors qu’à l’aube de la décennie 1990, nous verrons que la mouvance des Verts doit son renouveau à l’organisation et aux actions des groupes locaux, comme celui de Poitiers, donnant une unité et une légitimité au mouvement national.